Fraudes massives en audioprothèse : modes opératoires et solutions proposées

Publié le 06/02/2025

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Les médias se font aujourd’hui l’écho de gigantesques fraudes dans le secteur de l’audioprothèse. Challenges évoque une escroquerie à 11 M€, quand nos confrères de France Info dévoilent une affaire dont le préjudice dépasserait 7 M€ (et porterait aussi sur des équipements optiques). Interrogé par L’Opticien-Lunetier, le Syndicat des audioprothésistes rappelle ses recommandations pour éradiquer ces pratiques.

Selon les sources de France Info, confirmées par le parquet de Bobigny, la police judiciaire a démantelé un réseau dont « le mode opératoire ressemble de près à celui des narcotrafiquants : un chef de réseau installé aux Émirats arabes unis qui donne ses ordres à de petites mains ». Quelque 75 CPAM et 54 Ocam auraient été victimes de fausses factures et surfacturations d’aides auditives et, dans une moindre mesure, de lunettes. Les 3 personnes arrêtées en décembre 2024 sont aujourd’hui poursuivies et devraient être jugées l’année prochaine pour « escroquerie en bande organisée », « blanchiment en bande organisée » et « abus de biens sociaux ». Sur plus de 7 millions d’euros détournés, 900 000 euros ont été saisis, « sous forme de comptes bancaires, de cryptomonnaies, de biens immobiliers, de matériel médical et de produits de luxe », explique France Info. Les fausses factures (appareils fictifs et jamais délivrés) émanaient notamment de sociétés éphémères, fermées quelques mois après leur création, gravitant autour de trois centres de santé ayant, eux, pignon sur rue. L’article ne mentionne pas le nom de l’entreprise incriminée, mais il pourrait s’agir d’Audiosky, qui a ouvert, à l’été 2023, des sociétés dont le capital social n’était que de 100 euros, dissoutes en décembre de la même année.

Challenges cite en revanche nommément le réseau Audisoin, visé par une enquête du parquet de Paris, et déjà incriminé dans un reportage d’Envoyé Spécial de septembre 2023 portant sur les fraudes en audioprothèse. Si l’affaire citée par France Info ressemble à une fraude essentiellement financière, celle-là repose sur des procédés impliquant de « vrais patients » abusés de différentes manières : appareillage à domicile, appareillage de normo-entendants, délivrance d’aides auditives sur-performantes au regard des besoins (un médecin fournissait des « ordonnances de complaisance »). L’Assurance maladie s’est portée partie civile et espère récupérer 11 millions d’euros.

CPS obligatoire, contrôles réguliers

Contacté par nos soins, Brice Jantzem, président du Syndicat des audioprothésistes (SDA), ne se montre pas surpris : « On imaginait bien que la fraude était de cette ampleur.» Il confirme la facilité avec laquelle les fraudeurs ont pu agir avant 2024, avant que l’Assurance maladie ne prenne le problème à bras-le-corps. « Des sociétés d’audioprothèse se créaient avec des adresses d’espaces de coworking. La Sécurité sociale ne réclamait que des certificats prouvant l’acquisition de certains matériels, comme un audiomètre et une chaîne de mesures, sans vérifier le respect des autres obligations (cabine, salle d’attente…). » Brice Jantzem ajoute qu’aussi considérables soient les montants en jeu, ils pèsent relativement peu sur les 2 milliards d’euros que pèsent le marché, et restent très inférieurs aux fraudes observées dans d’autres secteurs de la santé, comme la pharmacie ou les prestataires de soins à domicile. « Chez nous, la fraude a été concentrée sur quelques escrocs », précise-t-il.

Les contrôles à l’installation, très stricts depuis l’année dernière, ne permettent plus de tels abus, mais les sociétés créées avant cette période ont toujours les mains assez libres. « Nous souhaitons que les ces contrôles soient refaits régulièrement et portent aussi sur les entreprises nées avant le 100 % santé, demande le SDA. Il faut vérifier les diplômes et les faire concorder avec les conventions de l’Assurance maladie. La Sécurité sociale doit tenir à jour une liste des diplômés et des établissements, mais nous l’attendons toujours. La CPN (Commission paritaire nationale, ndlr) se réunit la semaine prochaine et ce point est à l’ordre du jour. » Le syndicat veut aussi rendre obligatoire l’utilisation de la CPS (Carte de professionnel de santé) pour toute facturation. Il est en effet aujourd’hui possible de facturer des aides auditives avec une CPE (Carte de professionnel d’établissement), ce qui augmente naturellement le risque de fraude.

Le Canard enchaîné cible Optical Center

Sur un sujet différent mais néanmoins connexe, Le Canard enchaîné a publié hier un article qui revient – avec de nombreux calembours sur les oreilles et l’ouïe – sur les pratiques contestables d’Optical Center et plus particulièrement sur l’offre de téléconsultations ORL récemment mise en avant par l’enseigne. Le palmipède pointe notamment comme illégal : la publicité pour des consultations médicales et la vente itinérante d’appareils auditifs, indiquant que le SDA a dénoncé ces agissements à l’Assurance maladie et aux services de la répression des fraudes… Sans suite visible pour l’heure.

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d’Opticien Lunetier

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