« La filière optique pourrait connaître un choc de rentabilité » (interview Xerfi)

Publié le 27/11/2025

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Emmanuel Sève, auteur de l’étude Xerfi « Le marché de l’optique à l’horizon 2027 », décrypte les menaces qui pèsent sur le secteur et les opportunités à saisir pour pérenniser votre activité. Extrait de son interview, à retrouver en intégralité dans le dernier numéro d’Opticien-Lunetier.

 

Quel est l’état de santé de la distribution optique en France ? Y a-t-il un modèle plus porteur que les autres ?

Le secteur reste solide malgré des vents contraires. Après deux années de croissance soutenue, la France conserve en effet son rang de premier marché européen. En revanche, le modèle économique est sous tension. Les mesures publiques de régulation et la concurrence accrue pèsent sur les marges. Dans ce contexte, les enseignes structurées – coopératives, franchisées ou mutualistes – disposent d’un avantage. Elles mutualisent les coûts, bénéficient d’un marketing puissant et d’outils numériques performants. Et elles accompagnent leurs adhérents dans la gestion des parcours de soins. À l’inverse, les opticiens indépendants isolés voient leur marge de manœuvre se réduire, même si certains ont une véritable carte locale à jouer en matière de service et de personnalisation.

Parmi les menaces qui planent sur le secteur, lesquelles seraient les plus délétères ?

Deux pèseraient plus particulièrement. La première serait l’allongement du délai de renouvellement des équipements de 2 à 3, voire 5 ans, car cela réduirait mécaniquement le volume d’affaires du secteur. La seconde concerne un encadrement plus strict des marges et des remises, notamment sur le panier 100 % santé. Activés simultanément, ces deux leviers mettraient en péril l’équilibre économique de nombreux points de vente et la filière pourrait connaître un choc de rentabilité. La possible interdiction de la publicité pour les opticiens est une menace plus indirecte. Dans un marché historiquement très porté sur la communication, cela obligerait les enseignes à revoir leur modèle d’acquisition client et à basculer vers une différenciation davantage centrée sur l’expérience et le conseil. Les plus grandes enseignes pourront s’y adapter mais ce serait une transition difficile pour les acteurs plus dépendants de la promotion prix.

Quelles sont les principales opportunités que doivent saisir aujourd’hui les opticiens ?

Plusieurs relais de croissance se dessinent clairement. Désormais reconnue et partiellement remboursée, la freination de la myopie chez l’enfant ouvre un marché à forte valeur ajoutée et positionne l’opticien sur la prévention et l’expertise médicale. L’optique hors les murs – à domicile, en Ehpad ou en entreprise – répond, elle, à des besoins d’accessibilité et d’inclusion, avec un potentiel encore sous-exploité. Les opticiens peuvent également se mettre à la téléophtalmologie pour fluidifier les parcours de soin et dynamiser la fréquentation en magasin. Quant à l’optique sportive et le segment premium, ils représentent des sources de différenciation et de marge. Sans oublier le reconditionné, qui amorce un marché vertueux sur le plan économique et environnemental. Enfin, la diversification vers l’audioprothèse constitue un relais de croissance majeur dans la mesure où elle renforce le lien avec la clientèle senior et consolide le positionnement santé globale du point de vente.

Quels freins identifiez-vous à l’appropriation de ces leviers de croissance ?

Les principaux freins sont de nature réglementaire, humaine et financière. D’abord, les conditions d’exercice de certains services, comme la téléophtalmologie, restent encadrées et parfois contestées par les professions médicales. Ensuite, la mise en place de nouvelles activités requiert du personnel formé et du temps qualifié, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Vient ensuite la question des investissements. Déployer des parcours digitalisés, des services de santé visuelle ou des corners audio nécessitent en effet des outils et des systèmes intégrés coûteux. Enfin, l’enjeu de légitimité médicale reste crucial. Pour que les services de santé proposés en magasin soient crédibles, ils doivent s’appuyer sur des protocoles rigoureux, des partenariats professionnels solides et une qualité de suivi démontrée.

 

Dans la suite de l’interview à retrouver dans Opticien-Lunetier numéro 789, Emmanuel Sève évoque également le potentiel des lunettes connectées, les nouvelles formes de concurrence (Gafam, enseignes généralistes), l’impact des intégrations verticales et du développement des plateformes de santé et de prise de rendez-vous, ainsi que les perspectives de croissance dans les 2 ans à venir.

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