Focus IA : Intelligence artificielle : votre job est-il menacé ?
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Source d’inquiétude ou d’engouement, l’intelligence artificielle s’immisce dans tous les secteurs. L’optique ne fait pas exception, tant sur son volet santé visuelle que commercial.
L’IA alimente une foule de fantasmes, d’aucuns y voyant la naissance possible d’entités aptes à comprendre et ressentir. Mais d’abord, qu’est-elle réellement ? Loin des représentations véhiculées par la science-fiction, où la machine finit toujours par contrôler l’humain jusqu’à ses émotions, l’intelligence artificielle est officiellement définie (par le Parlement européen) comme « la possibilité pour une machine de reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». Cet outil, qui repose sur l’analyse d’une somme considérable de données, est cependant incapable – du moins pour l’instant – d’effectuer des tâches pour lesquelles il n’aura pas été programmé. En ce sens, l’IA est à ce jour une évolution des logiciels classiques et ses capacités restent limitées par les développeurs eux-mêmes : il s’agit de l’IA faible, par opposition à l’IA forte, dotée de conscience, qui n’existe pas aujourd’hui (mais pourrait arriver d’ici une cinquantaine d’années). Pour autant, le big data dope de manière exponentielle ses capacités au point de remplacer certains métiers, comme l’a fait le développement de l’informatique dans les années 80.
Des analyses sont particulièrement alarmistes : selon un rapport de la très sérieuse banque d’investissement Goldman Sachs publié en mars dernier, un quart des tâches de travail actuelles pourraient être automatisées par l’IA aux USA et en Europe et 300 millions d’emplois pourraient disparaître dans le monde. Une étude menée par OpenAI (créateur de ChatGPT), Open Research et l’Université de Pennsylvanie a révélé au même moment les postes les plus susceptibles de disparaître avec le développement de l’IA : programmateur informatique (un comble !), agent de service client, employé de banque et d’assurance, assistant.e de direction, caissier.ère ou encore journaliste. Bonne nouvelle : les métiers de la santé, quand ils impliquent d’importantes compétences humaines (hors de portée de l’IA faible) comme le médecin généraliste ou l’infirmier.ère, semblent encore épargnés. Pour le futurologue Martin Ford, les postes impliquant une précision des gestes, des prestations individualisées ou encore l’adaptation constante à des situations changeantes, sont eux aussi protégés. Ouf, vous voilà rassurés ! La profession d’opticien, à la fois technique, de santé et orientée sur le relationnel, ne coche donc aucune des cases des futures sacrifiées. Elle n’échappera pas cependant à la déferlante IA, qui ne la tuera pas, mais la transformera.
Le métier d’opticien, technique et de santé, ne coche aucune des cases des professions pouvant être sacrifiées.
Au service des soins visuels
Sur le versant santé du métier d’opticien, l’IA pourrait être synonyme de révolution. Dans le domaine médical en général, de nombreuses applications sont déjà à l’œuvre : grâce à la masse énorme de données emmagasinées, il est désormais possible de prédire une pathologie et son évolution, de recommander un traitement, d’épauler les personnes dépendantes ou déficients sensoriels (robots compagnons), d’aider au diagnostic ou encore, en matière préventive, d’anticiper une épidémie. L’IA va s’imposer dans ces domaines, pour accompagner, non pour se substituer. Car la notion de colloque singulier, qui définit le lien entre soignant et patient, est par essence exclusive de toute technologie. En ophtalmologie, plusieurs acteurs développent des programmes automatisant d’ores et déjà le diagnostic de rétinopathie diabétique via un logiciel analysant les clichés de fond d’œil, détectant hyper précocement une DMLA ou prédisant le nombre d’injections nécessaires à une personne atteinte de cette maladie. En matière de réfraction, cœur de métier de l’opticien de santé, l’IA apporte déjà des avancées. La start-up SiView a mis au point un algorithme automatisant l’examen de vue, basé sur des arbres de décision complexes pour un résultat ultra précis et des analyses détaillées obtenues en 6 minutes. Sa R&D travaille sur de nouvelles approches qui permettront, par exemple, de confirmer ou d’infirmer un problème de convergence. L’IA ouvre aussi le champ des possibles pour le repérage précoce de la myopie, avant même ses manifestations cliniques. A terme, la généralisation de ce type de solutions pourrait offrir aux professionnels paramédicaux de la vision (opticiens ou orthoptistes) davantage de prérogatives en matière de dépistage, afin de libérer du précieux temps médical chez les ophtalmologistes. En évaluant précisément le risque de développer une pathologie oculaire, l’IA sera donc peut-être à même de faire évoluer le cadre légal avec de nouvelles responsabilités pour les opticiens, comme la prescription d’équipements optiques. Il faudra cependant s’armer de patience car la technologie est généralement en avance sur le réglementaire, qui s’adapte ultérieurement mais dans un délai souvent long !
Prédictivité et productivité
L’IA, en anticipant les situations, peut aider à construire une relation client plus personnalisée et à optimiser l’activité sur le plan commercial. Elle n’est pas l’apanage des grandes entreprises. Les commerçants de détail peuvent aussi l’utiliser à leur échelle, notamment pour améliorer l’expérience client, y compris dans les points de vente physiques. Elle offrira premièrement une personnalisation plus poussée du parcours d’achat, par exemple par des systèmes de navigation à commande vocale pour orienter les consommateurs, dès leur entrée dans le magasin, en fonction de leur besoin (achat de lunettes correctrices, de solaires ou de lentilles).
Encore plus puissantes, certaines solutions peuvent suivre les échanges en temps réel, établir les profils psychographiques des clients et faire des retours d’information aux équipes pour anticiper toujours mieux les besoins (ces systèmes nécessitent cependant un consentement). Intégrée à certains CRM, l’IA permet de cibler toujours plus finement les bons clients en analysant l’ensemble des profils et des habitudes d’achat : certains logiciels identifient les prospects dont les caractéristiques sont comparables à celles de clients précédents, facilitant ainsi la construction du discours de vente et accélérant le processus d’achat en l’individualisant.
Gestion du site et des réseaux sociaux
En back-up, des outils peuvent analyser les stocks et anticiper la demande pour optimiser les achats. Ces solutions, comme Verteego, sont pour l’heure utilisées par la grande distribution et les grandes chaînes de magasins, par exemple pour établir des scénarios promotionnels afin de maximiser les ventes de certains produits. Il est cependant fort probable qu’elles se déclinent dans les prochaines années dans des versions adaptées aux commerçants indépendants. Sachez que l’IA peut même éviter les vols ! Pour lutter contre ce fléau qui touche particulièrement les opticiens, des caméras intelligentes repèrent les attitudes suspectes des voleurs et envoient une alerte, permettant ainsi d’éviter le larcin. L’intelligence artificielle est aussi, bien sûr, un outil de choix pour développer votre visibilité sur internet et votre éventuelle activité e-commerce. Elle améliore les recommandations de produits ou d’offres présentées aux internautes, en fonction de leur profil et de leur historique de navigation. Les chatbots comme ChatGPT aident à rédiriger des messages marketing, à écrire des fiches produits convaincantes et à créer des publications pour les réseaux sociaux. Garder cependant à l’esprit que les contenus ainsi générés sont facilement détectés par Google qui peut pénaliser votre référencement : ces propositions sont un point d’appui pertinent mais doivent être retravaillées par vos soins pour être efficaces. Car n’oubliez pas que l’IA n’a pas d’âme et ne sera un facteur de déshumanisation que si les humains le veulent bien.