Prime au 100 % santé : une mesure “inéquitable”, “inutilisable” et “pas du tout incitative”
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La Fnof (Fédération nationale des opticiens de France) et le Rof (Rassemblement des opticiens de France) ont transmis aux pouvoirs publics leurs observations sur le projet prévoyant la mise en place d’un bonus financier de 42 euros par équipement complet en panier A aux opticiens qui délivreraient au moins 65 % de ces lunettes. Pour les syndicats, il ne s’agit pas d’une mesure incitative, mais d’une mesure de soutien, qui en outre pose de nombreuses questions.
Hugues Verdier-Davioud, président de la Fnof : « L’Etat a-t-il vocation à subventionner les magasins qui ont choisi ce modèle économique ? »
« Ce seuil de 65 % correspond à environ 3 % des magasins d’optique en France. Il s’agit d’une mesure exclusive pour les points de vente qui ont bâti leur modèle économique sur la délivrance de 100 % santé. 65 %, c’est 5,5 fois plus que la part actuelle des équipements complets en panier A. Pas un magasin ne pourrait tenir cette mutation. Une mesure incitative doit être accessible et donner envie ‘d’y aller’. Ce n’en est donc pas une. Il s’agit plutôt d’une mesure de soutien aux 3 % de points de vente susceptibles d’être concernés, et qui manifestement ne s’équilibrent pas économiquement puisque l’Etat doit les aider. Mais l’Etat a-t-il vocation à subventionner des entreprises privées qui ont délibérément choisi un tel modèle ? Quid des autres opticiens ? Il y aurait une forme d’iniquité. Par ailleurs, les produits 100 % santé ne sont pas fabriqués en France : l’Etat va donc soutenir un modèle économique qui se base sur l’importation de produits ‘exotiques’. N’est-ce pas contradictoire avec le plan de relocalisation de la production de médicaments en France annoncé par Emmanuel Macron ? Le consommateur veut garder son libre arbitre sur son reste à charge et la provenance des produits. Il faut aussi rappeler que les opticiens, qui sont des experts de la santé visuelle, n’ont pas participé au choix des verres du panier A et ces produits ne répondent pas à tous les besoins existants. La Fnof a fait valoir ses observations sur le premier avis de projet proposant le taux de 65 %, mais ne sait pas encore si elle fera de même suite au second, qui propose un montant de 42 euros pour la part incitative. D’autres mesures pourraient permettre d’augmenter le recours au 100 % santé, mais l’Etat ne veut pas les entendre. On pourrait libérer la prescription : 6 millions de Français attendent aujourd’hui un rendez-vous chez l’ophtalmologiste et autant ne savent même pas qu’ils ont besoin de lunettes. Cela signifie que 2,4 millions de personnes pourraient avoir un équipement qui relève du 100 % santé. Cette situation explique aussi le développement de la téléconsultation, qui serait moins rapide si les opticiens pouvaient primo-prescrire. »
Arnaud Collin, directeur général du Rof : « Une micro-mesure au regard des questions à résoudre »
« Nous avons du mal à saisir l’intérêt de cette mesure. C’est une micro-mesure qui va concerner une très petite minorité d’opticiens, et qui est loin d’être une priorité à discuter pour l’évolution du 100 % santé. Nous avons envoyé un courrier dans les délais impartis à la DSS, en lui demandant une discussion sur ce projet et le reste. Le Rof souhaite une visibilité plus grande sur les thématiques traitées par le gouvernement. S’il s’agit d’une mesure incitative, elle est inutilisable et grotesque, d’autant qu’il n’y a jamais eu d’objectifs officiels pour le 100 % santé en optique. S’il s’agit d’une mesure de soutien aux opticiens installés dans des territoires défavorisés et qui délivrent une majorité d’équipements de panier A, il faut l’expliquer et l’appeler ainsi. Notre problématique n’est pas la somme proposée pour la part incitative, mas l’assiette. Nous regrettons à la fois la méthode choisie par le ministère et le micro-intérêt du sujet au regard de l’ampleur des problèmes à traiter. Il y a des questions bien plus graves à résoudre. »