L’ouverture des données de santé aux Ocam pourrait casser le principe de mutualisation (congrès Fnof)
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Le Congrès de la Fnof s’est déroulé les 16 et 17 novembre à Lille. Parmi les nombreux thèmes abordés, celui de la transmission des données de santé aux Ocam et réseaux de soins, cheval de bataille de longue date du syndicat, figurait en bonne place. L’avocate spécialisée Maître Lorraine Maisnier-Boché a fait le point sur ses enjeux, à l’aune du projet de loi contre la fraude, voté hier au Sénat en première lecture.
La spécialiste a tout d’abord rappelé que les données de correction, parfois réclamées par les Ocam, sont des données de santé. Elles sont, comme toutes les autres données relatives au patient (ordonnance, devis, codes LPP détaillés) protégées à la fois par le RGPD et le secret professionnel, qui s’impose aux opticiens. « En France, le consentement du patient n’est pas suffisant pour lever le secret professionnel », ajoute Maître Lorraine Maisnier-Boché, même si « souvent ça passe car il y a un vide juridique ». Ainsi, sur la base des textes actuels, les Ocam et réseaux de soins ne disposent pas de fondement juridique clair et solide pour traiter des données de santé, à des fins de prise en charge, et encore moins dans un but de prévention ou de détection des fraudes.
Les choses devraient cependant évoluer rapidement avec le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Dans sa version actuelle, ce texte vise non seulement à autoriser l’AMC et l’AMO à échanger des informations contenant des données de santé, mais aussi les professionnels de santé à communiquer ce type d’éléments aux organismes complémentaires, en particulier dans le cadre du tiers payant.
Cette ouverture est sollicitée depuis longtemps par les Ocam qui, largement sollicités par les pouvoirs publics pour financer la hausse des dépenses de santé, « ont des arguments financiers très forts », a relevé Lorraine Maisnier-Boché. Pour autant, elle suscite de vifs débats, y compris au sein même du secteur assurantiel. En effet, en disposant de données plus précises, les complémentaires santé risquent d’ajuster les garanties des contrats et leur prix aux risques individuels des bénéficiaires, ce qui « casse l’idée de mutualisation. Des mutuelles sont contre car les moins à risque pourraient finir par s’assurer eux-mêmes et on pourrait observer un phénomène de démutualisation ».

Les explications de l’avocate ont été suivies d’une prise de parole du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes, qui ont fait part de leur expérience sur le sujet. Ses représentantes ont pointé du doigt les « abus de Ocam », en prenant l’exemple des demandes de radios afin de vérifier que le traitement soumis au remboursement a bien été réalisé. « La Sécurité sociale pourrait porter plainte contre nous pour radio non justifiée », se sont-elles insurgées. Elles ont dénoncé la généralisation du tiers payant, qui est « l’outil de la fraude, car le patient ne sait pas ce qu’il paye », en invitant les professions de santé à échanger davantage sur cette question, car opticiens et chirurgiens-dentistes « partagent les mêmes combats et les Ocam bénéficient du fait qu’on ne se connaît pas ».






