“Selon leur clientèle, les opticiens ne peuvent pas faire le 100 % santé au niveau demandé”
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La commission des Affaires sociales du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur les effets du 100 % santé. Ses conclusions, présentées hier 27 juillet, mettent en exergue le faible impact de la réforme en optique, largement relativisé par la sénatrice Elisabeth Doineau, élue de Mayenne, qui invite à la « nuance et la mesure ».
« En optique, le bilan est contrasté mais il existait déjà des offres favorables dans ce domaine. En 2021, 17 % des équipements vendus intégraient au moins un produit du panier A mais, si on enlève la C2S, ce chiffre est de 9 %. Il n’y a pas d’évolution du taux de recours et on observe plutôt une évolution du reste à charge », a résumé François de la Guéronnière, conseiller maître à la Cour des comptes. L’organisation a identifié les différents leviers à mobiliser pour parfaire le dispositif : renforcer la communication afin d’améliorer la notoriété de la réforme, mettre en place une évaluation de la qualité des équipements et faire respecter l’obligation de proposer le tiers payant intégral. En ce qui concerne l’équilibre financier de la réforme, la Cour des comptes explique que les scénarios ont été construits sur des hypothèses insuffisamment documentées et très optimistes pour l’optique : « Le coût estimatif était de 87 M€ d’ici 2023 pour l’AMO et de 80 M€ pour l’AMC. Mais le coût réel est compliqué à évaluer car le suivi est inadapté dans le temps », les données étant disponibles avec un décalage d’un an. Selon le rapport, les dépenses sont inférieures aux prévisions pour l’Assurance maladie (127 M€ de 2019 à 2021 contre 150 M€ estimés, le surcoût en audioprothèse étant contrebalancé par des économies supérieures à celles anticipées pour l’optique). Elles sont en revanche supérieures pour les Ocam : « 265 M€ de moindres économies, du fait de l’optique pour l’essentiel. » Dans ce contexte, la Cour des comptes préconise un partage de données entre l’AMO et les complémentaires santé, en veillant à la mise à disposition des données de remboursement par ces dernières afin d’assurer, sur cette base, un suivi identifiant les dépenses exposées au titre de la réforme (elle préconise en outre de réviser à la baisse le prix limite de vente des audioprothèses du panier 100 % santé et de prévoir, pour le dentaire, une clause permettant d’agir en cas de dérapage de la trajectoire des dépenses de prothèses et de renforcer les contrôles de la mise en œuvre du 100 % santé).
La provenance des lunettes du panier A fait débat
Suite à l’exposé de ces conclusions, Elisabeth Doineau, sénatrice de la Mayenne, a invité la Cour des comptes à écouter les professionnels concernés : « Tout doit être dans la nuance et la mesure. Des opticiens m’ont dit qu’ils étaient contrôlés et que c’est infernal. Ils ne sont pas contre le contrôle mais, quand ils ont une certaine clientèle, ils ne peuvent pas faire le 100 % santé au niveau qui leur est demandé. » L’élue a par ailleurs évoqué la problématique de la provenance de la plupart des équipements du panier A. « Il faut voir si on n’a pas mis en danger des entreprises françaises qui fabriquent des lunettes. Plutôt qu’aller chercher des lunettes en Chine parce qu’il faut faire absolument le 100 % santé, ne faut-il pas regarder ce qui se passe aussi dans nos territoires ? Nous sommes tous très attachés à la production nationale », a-t-elle fait remarquer. Pour la Cour des comptes, ces éléments doivent en effet être pris en compte avant toute modification du dispositif. « En optique, nous avons choisi de développer des produits nouveaux avec des prix très bas. Vu le prix qui a été fixé, les lunettes sont probablement importées en très large partie. Il faut absolument se poser la question de l’adéquation des produits qui ont été encouragés par la réforme aux véritables besoins avant de la faire évoluer. Sinon, nous allons bâtir sur des bases qui ne sont pas assurées », a reconnu François de la Guéronnière.