Yves Matillon : « La filière visuelle ne peut pas bien fonctionner aujourd’hui »
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Le Congrès d’optométrie et de contactologie s’est tenu les 22 et 23 mai à Montrouge. Quelque 800 professionnels et étudiants s’étaient inscrits pour assister aux nombreuses conférences et ateliers scientifiques. Lundi matin, l’heure était au débat sur l’avenir de la profession, en présence d’experts et de représentants de plusieurs organisations. Zoom sur l’intervention d’Yves Matillon, ancien conseiller spécial pour l’enseignement et les professions de santé au ministère de la Santé, qui a fait le point sur les freins à l’évolution de la filière de santé visuelle.
Yves Matillon a, en préambule, identifié les différentes causes du non-recours aux soins optiques : les problèmes d’accès à la consultation, la perte d’autonomie, le frein financier et les lacunes en termes de prévention et de dépistage. Ces quatre obstacles doivent être levés mais, en l’état actuel de son organisation, « la filière visuelle ne peut pas bien fonctionner aujourd’hui », explique le spécialiste. La première raison est la structure très verticalisée des métiers de la santé en France, avec « le docteur qui peut tout faire ». Yves Matillon a rappelé qu’en 2015, les Etats généraux de la santé visuelle organisés par la Mutualité française avaient débouché sur un accord de principe visant à améliorer l’organisation entre les métiers, en regrettant que celui-ci n’ait jamais été concrétisé.
Il soulève un autre frein à l’efficience de la filière : « la complexification des métiers » et l’absence de progrès dans le chantier de l’universitarisation des formations en santé. « Le ministère de la Santé ne sait pas ce que sont les référentiels de compétences, à savoir les actes autorisés pour les paramédicaux. Il faudrait que le ministère de la Santé et celui de l’Enseignement supérieur se parlent, mais il y a là des enjeux de pouvoir très importants », estime Yves Matillon. Il invite aussi à comprendre le « jeu d’acteurs » de ceux qui gèrent les professions médicales et paramédicales. « Le système de l’Assurance maladie n’est plus un système paritaire. Quand il y avait un système paritaire, le président de la Cnam avait un vrai rôle, il donnait un avis. L’Etat et l’Assurance maladie partageaient leurs avis. Aujourd’hui, le directeur de l’Assurance maladie est désigné par le Premier ministre, son poids a considérablement baissé », constate-t-il.
Interrogé sur les évolutions à envisager, Yves Matillon juge que la reconnaissance universitaire des métiers de la vision est « capitale ». « Les opticiens lunetiers ne sont pas reconnus sur le plan académique, et il faut ce dénominateur commun entre les trois métiers », assure-t-il, en suggérant de donner cette reconnaissance à un nombre limité de professionnels afin « d’aboutir à un métier intermédiaire », qui serait doté de prérogatives plus poussées que celles des opticiens.
Yves Matillon (à droite), intervenait aux côtés de (de gauche à droite) : Yannick Dyant (président de l’Association des optométristes de France), Marc Gréco (délégué général du Synom), Thibaut Pichereau (délégué général du Rassemblement des opticiens de France), Laure-Anne Copel (Secrétaire générale du Conseil interprofessionnel de l’optique) et Matthieu Gerber (fondateur et président – Les opticiens mobiles). Un compte-rendu des débats professionnels sera publié dans le prochain numéro de l’OL [MAG].