Fonds de solidarité, chômage partiel, contrats de travail… Toutes les réponses à vos questions
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Depuis le début du confinement, vous être très nombreux, propriétaires de magasins ou salariés, à vous questionner sur les dispositifs mis en place par l’Etat, comme le fonds de solidarité, pour vous aider dans cette période. Pour répondre à toutes vos interrogations, L’OL [MAG] a interrogé Maître Géraldine Hannedouche, avocate à la Cour, associée au sein de D&H, société d’avocats.
Quelles sont les conditions pour recevoir l’aide de 1500 euros versée par le fonds de solidarité mis en place par l’Etat ?
Ces conditions ont été précisées par un décret du 30 mars. La société doit avoir été constituée avant le 1er février 2020, réaliser un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros, employer moins de 10 salariés et son bénéfice imposable augmenté des sommes versées aux dirigeants doit être inférieur à 60 000 euros. L’entreprise doit faire l’objet d’une obligation de fermeture administrative (comme les restaurants) ou justifier d’une perte de CA de 70 % en mars comparé à mars 2019. Ce seuil a finalement été ramené à 50 %.
Les magasins d’optique faisant partie des commerces pouvant rester ouverts, leurs salariés peuvent-ils bénéficier du dispositif d’activité partielle ?
Dans le principe, oui, car ce n’est pas parce qu’un commerce peut rester ouvert qu’il doit le faire, notamment quand les employés n’ont pas à leur disposition le matériel de protection contre le virus. Il y a en revanche une grande incertitude sur l’acceptation des demandes d’indemnisation, d’autant que les Direccte sont régionalisées : certaines peuvent valider les demandes et d’autres non. Il convient donc d’attacher une extrême importance à la constitution du dossier : il ne faut pas se contenter de cocher la case Covid-19 mais fournir les pièces justifiant l’impossibilité d’ouverture. Par exemple les e-mails des fournisseurs prouvant les difficultés d’approvisionnement du point de vente, les courriers des syndicats professionnels préconisant la fermeture, les documents faisant état d’une pénurie de masques et/ou de gels hydroalcooliques…
La situation entre-t-elle dans celles assurées au titre de la perte d’exploitation ?
Cela dépend vraiment des dispositions des contrats. Il faut déjà avoir souscrit à cette assurance. Et, même dans ce cas, les garanties comportent souvent une clause d’exclusion pour pandémie. Une autre possibilité serait que le gouvernement décrète l’état de catastrophe naturelle, mais cela ne semble pas être à l’ordre du jour.
Les formations en ligne effectuées par certains salariés depuis leur domicile pendant le confinement peuvent-elles obérer leurs droits au chômage partiel ?
L’activité partielle doit être le dernier recours. Auparavant, l’employeur doit justifier qu’il n’a pas pu mettre ses salariés en télétravail (ce qui est évident pour les opticiens), mais qu’il n’a pas non plus été possible de les reclasser. Or, des heures de formation peuvent être assimilées à un reclassement. Le dossier peut être acceptée par la Direccte de manière tacite mais celle-ci pourra demander ultérieurement le remboursement des indemnités au cas où elle aurait vent de ces formations, qui peuvent laisser des traces.
Quelle rémunération doit être versée par l’employeur à ses salariés mis au chômage partiel ?
L’employeur doit les rémunérer à hauteur de 70 % de leur salaire brut soit 84 % du net. Le salarié ne recevra pas de compensation pour les 16 % restants. Cette fraction du salaire n’est pas assujettie à cotisation sociale mais à une CSG-CRDS à taux réduit. L’employeur sera remboursé à 100 % des sommes versées dans la limite de 4,5 Smic. Il peut aussi décider de verser à ses collaborateurs 100 % de leur salaire, ce qui pourrait par exemple être la contrepartie des heures de formation effectuées à distance.
Beaucoup de chef d’entreprise évoquent des difficultés de connexion à la Direccte de leur région : non réception des codes, non réponse… Quels sont leurs recours ?
Il n’y a pas de recours possible, il leur faut persévérer.
Quel est le dispositif le plus avantageux pour le chef d’entreprise employant des salariés parents d’enfants de moins de 16 ans : la mise au chômage partiel ou l’arrêt de travail ?
Pour l’employeur, le chômage partiel sera la formule la plus avantageuse car il sera remboursé des sommes versées. Dans le cas de l’arrêt de travail, le salarié touchera des indemnités journalières à hauteur de 50 % de son salaire brut et l’employeur devra lui verser un complément. Notons que pour les salariés, ces dispositifs sont équivalents : en arrêt maladie pour garde d’enfants, ils ne pourront pas toucher des sommes supérieures à celles versées au titre du chômage partiel et ce, même si leur convention collective prévoit une indemnisation à 100 % de leur rémunération en temps normal.
Les employeurs peuvent-ils contraindre leurs collaborateurs à poser des jours de congés ? Dans quelles limites et conditions ?
Oui, il leur est possible d’obliger leurs salariés à poser jusqu’à 6 jours ouvrables de congés payés, mais il faut pour cela un accord d’entreprise ou un accord de branche. Or, en période de confinement, les partenaires sociaux peuvent difficilement se réunir pour négocier un tel accord, même si dans certaines branches comme l’automobile, un accord de branche est déjà intervenu. La dérogation est cependant valable jusqu’au 31 décembre 2020 : cette possibilité pourra donc être utilisée au moment de la reprise d’activité. Notons qu’aujourd’hui, les employeurs peuvent obliger la prise de congés sans accord de branche, mais uniquement pour leurs salariés au forfait jours : dans ce cas, ils peuvent leur imposer de prendre jusqu’à 10 jours de RTT.
Un salarié peut-il faire valoir son droit de retrait face à un patron qui le contraindrait à travailler en magasin ?
Il lui faudra justifier que l’employeur ne lui permet pas de respecter pas les gestes barrières. Le mieux est dans ce cas de se rapprocher des syndicats, en sachant qu’il y a ici un risque de conflit et de procédure devant le conseil des prud’hommes.
Les employeurs peuvent-ils licencier durant la période de confinement ?
Il n’y a pas d’interdiction formelle de licencier comme cela a été fait en Espagne, mais une telle procédure risque de se heurter à des problématiques pratiques. Les faits fautifs se prescrivent par 2 mois et une faute grave doit donner lieu à un entretien préalable immédiat. Comment le tenir durant le confinement, d’autant que le salarié ne pourra pas être assisté ? Une procédure engagée actuellement alors que les contrats de travail sont pour la plupart suspendus et que le gouvernement a mis en place un certain nombre de dispositifs pour maintenir l’emploi serait requalifiée pratiquement automatiquement par le conseil des prud’hommes en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Quid des collaborateurs qui étaient en préavis au début du confinement ?
Le préavis fait l’objet d’un délai préfix : il n’est ni interrompu ni reporté par la suspension du contrat de travail. Le contrat qui doit prendre fin est rompu à la date prévue et l’employeur doit transmettre à son salarié les documents obligatoires. Dans le cas d’une rupture conventionnelle, les délais de procédure ont été reportés par ordonnance, mais un doute persiste : la rupture est-elle possible ou automatiquement reportée ? On estime qu’une rupture engagée avant le confinement risque d’être anéantie car la Direccte pourrait estimer que les mentions, notamment la date de fin de contrat, portées sur le formulaire Cerfa ne sont pas bonnes. Dans ce cas, l’employeur sera contraint de redémarrer sa procédure de zéro.
Les périodes d’essai peuvent-elles être rompues en ce moment ?
Ces ruptures n‘ont pas à être motivées mais une rupture qui surviendrait actuellement risquerait d’être mal perçue par un conseil des prud’hommes et donnerait lieu à des indemnités. D’autant qu’elle n’aurait aucun intérêt, ni pour l’employé qui est indemnisé au titre du chômage partiel, ni pour l’employeur qui est remboursé des sommes versées. La logique est de reporter la période d’essai après le confinement.
Les employés en télétravail peuvent-ils prétendre à l’indemnité d’occupation de leur domicile habituellement versée dans ce cas de figure ?
Non. Il ne s’agit pas d’une convention de télétravail classique mais d’une mesure alternative qui permet au salarié d’être rémunéré à 100 % sans être placé en activité partielle. Il s’agit d’un régime dérogatoire au télétravail classique.
Les salariés en télétravail conservent-ils le bénéfice de leurs titres restaurant ?
Aujourd’hui, on ne peut que raisonner par analogie sur cette question. Un salarié en télétravail dans le cas général bénéficie des titres restaurant car il ne doit pas être placé dans une situation moins favorable que les autres collaborateurs de l’entreprise. On peut donc penser que, dans les circonstances actuelles, les employés en télétravail jouissent toujours de cet avantage.